À Reims, de Gaulle sacre Clostermann

Paris Match, 1951

Avec le général de Gaulle devant la cathédrale de Reims le dimanche 15 avril 1951.

Le général de Gaulle a ouvert le dimanche 15 avril sa campagne électorale à Reims. Il a présenté à 20.000 rémois, massés pour l’écouter, sur le parvis de la cathédrale, la nouvelle vedette du R.P.F : Pierre Clostermann, as de l’aviation et (avec Le Grand Cirque, 500.000 exemplaires) best-seller de l’édition. Il l’a présenté par allusion : « je salue, a-t-il dit, sinon les parlementaires, du moins les futurs parlementaires du département. » Tout le monde a ri. Il n’y a pas de parlementaire a R.P.F dans la Marne, mais Clostermann, actuellement député du Bas-Rhin, est devenu rémois d’adoption en épousant la fille d’un riche industriel de la région, M. Renaudat. Il vit à Saint-Thierry, à 5 km de Reims, dans un ancien palais archiépiscopal où il termine un livre et surveille la construction d’un petit avion exécuté sur ses plans. (Pour en savoir plus, lire le second article de Paris Match paru en 1951 : Qui est Clostermann ?)

De Gaulle était venu ce jour là déjeuner chez lui après avoir le matin présidé, devant 4.000 personnes, une autre cérémonie officielle à Berry-au-Bac, à 18 km de Reims, où eut lieu, en 1917, la première bataille de blindés. Le capitaine de Gaulle avait été blessé au cours de cette bataille. Les hommes du « grand cirque », autrement dit des « services de déplacement du général » avaient établi pour la journée un horaire rigoureusement minuté. Ils se sont arraché les cheveux lorsque, sur la route, l’Auto-Union noire décapotable du général – ancienne voiture d’Abetz – fut arrêtée par le maire d’un village accompagné d’une petite fille chargée d’un bouquet de fleurs, qui lui récita un compliment. A Reims, les électriciens C.G.T. avaient coupé le courant et les chauffeurs de cars s’étaient mis en grève. Mais, le beau temps aidant, la manifestation a été un succès. Une contre-manifestation était prévue : ses organisateurs ne sont pas parvenus à remplir une salle de 350 places. Le général de Gaulle parlera de nouveau le 1er mai à Bagatelle, le 6 à Toulouse et le 20 à Nantes. Le R.P.F. a commencé une campagne d’affiches monstre et lancera le 1er mai « la campagne de la carte postale ». Cette carte postale, qui coûtera 100 francs, comportera un questionnaire : « Que pensez-vous de la réforme de l’Etat ? » qui devra être retourné à l’adresse suivante : « Général de Gaulle, Colombey-les-Deux-Eglises ». La postière de Colombey est affolée. Le R.P.F. prévoit cinq millions de cartes.

Reportage André LACAZE

Walter CARONE


Paris Match n° 110 – 28 avril 1951