Loin de se douter de l’état de la situation, Clostermann entre dans une salle bondée et en pleine effervescence, tous les écrans allumés en boucle sur les pilotes en train de s’harnacher. Il est accueilli par le général Weizman qui lui lance un « Pierre ! Tu arrives à temps pour la partie ».
A 8h30, 1h25 après le début de l’offensive, c’est plus de 180 appareils de la flotte égyptienne qui étaient mis hors de combat. Ezer Weizman rejoint Clostermann au balcon des opérations : « Pierre, la guerre est gagnée ! »
Cette guerre des six jours, les historiens l’appelleront la guerre des deux heures.
Pris entre les tirs de mortier dans Gaza, Clostermann, Vivien et Le Tac se mettent à l’abri. A cet instant, ils aperçoivent deux Mirages passer en rase-mottes pour tirer un objectif en pleine mer : un sous-marin égyptien qui avait fait surface pour participer à la bataille et attaquer les positions israéliennes. Les ballast crevés, il ne lui restait plus qu’à se rendre et fut remorqué jusqu’au port d’Haiffa.
Le lendemain, Pierre Clostermann et Ezer Weizman se rendent au domicile de Ben Gourion à Tel Aviv car celui-ci a un courrier destiné au général de Gaulle. Il y retrouve Moshe Dayan autour d’une tasse de thé et d’un vin blanc. Après les échanges diplomatiques sur les évènements s’engage une longue et passionnante discussion sur l’avenir d’Israël, du Moyen Orient et de la place que chacun pourrait y tenir dans le futur.
8 juin 1967 – « A huit heures et demi la délégation est venue me voir. Le porte-parole était (Pierre) Clostermann, allié de de Gaulle (et député au parlement). J’ai brièvement expliqué ce que nous avons fait et leur ai demandé si, en tant que Catholiques, ils s’opposaient à ce que la vieille ville reste entre nos mains. Ils répondirent qu’ils ne s’y opposaient pas. Clostermann m’informa qu’il rencontrerait de Gaulle demain à 16h30 et me demanda si je souhaitais l’accompagner. Je lui ai répondu la même chose qu’à Edmond (de Rotschild). D’après Clostermann, de Gaulle veut la paix. Je lui ai dit que si les Arabes étaient d’accord pour faire la paix, mon opinion, en tant que citoyen, est que nous devrions nous retirer des territoires capturés, à l’exception de la vieille ville. Mais nous ne nous retirerons pas en l’absence d’une paix durable. Ils doivent retourner en France ce soir. Nous nous sommes quittés en très bons amis. »
Traduit de Ben Gurion’s Diary for the 1967 Six-Day War, Vol. 4 (S. Ilan Troen et Zaki Shalom)
Deux semaines plus tard, un article du journaliste Sylvain Zegel pour le Figaro titre : Pierre Clostermann raconte…
Il raconte comment les israéliens prirent, dans le Sinaï, la rampe de lancement des missiles russes Sam II B aux égyptiens qui l’avaient abandonné. « Un cadeau à faire rêver James Bond ! ». En effet il ne s’agissait pas que de la rampe, mais de six missiles avec l’intégralité de leur environnement technique, lois de guidage, radar d’acquisition, calculateur électronique, radar directionnel. Un secret jusque-là exclusivement soviétique et pour lequel les américains avaient subit de lourdes pertes au Nord Vietnam sans aucun résultat. En quelques heures seulement il cessa d’être mystérieux.
Pierre Clostermann termine l’interview en soumettant au lecteur cette réflexion : les avions israéliens n’ont pas attaqué les chars qui entouraient Amman et qui se trouvaient de ce fait sous le contrôle direct du Roi.
(extraits du Figaro Littéraire, 26 juin 1967, n° 1106)