Reims Aviation, Cessna et l’Europe

Interview accordée à Aviation Magazine (1973)

M. PIERRE CLOSTERMANN – Président de Reims Aviation


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(1) Pierre Clostermann

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(2) Logo de Reims Aviation

Combien avez-vous construit d’avions au cours de ces cinq dernières années ?

– Nous venons de sortir notre 2 500e avion. Nous entrons maintenant  dans un cycle accéléré de nos ventes donc de notre production puisqu’il nous aura fallu cinq ans pour en faire 2500 et que nous allons en faire pratiquement 1200 en dix-huit mois. C’est-à-dire que nous montons à une cadence de trois, trois et demi, quatre avions par jour ouvrable. Il s’agit naturellement d’avions de tous modèles Cessna.

Comment avez-vous opéré depuis le début ?

– Comme vous le savez, nos associés américains fabriquent 43 ou 45 modèles d’avions. Il est bien évident que leurs problèmes sont différents des nôtres. Ils ont, au départ, un marché extrêmement important, qui est leur marché domestique et je dirai presque  marché domestiqué puisqu’ils en détiennent toujours environ 50%. Ils sont obligés de présenter aux clients un éventail absolument complet de tous les modèles de l’aviation générale, depuis le petit avion 100 ch jusqu’au biréacteur. C’est la raison pour laquelle ils ont un réseau commercial aussi étoffé et aussi solide. Je dirai même qu’un concessionnaire n’est en mesure de vivre que si, chaque fois qu’un client vient le voir, il peut lui offrir exactement le type ou le modèle d’avion qu’il désire.

Pour nous le problème est différent. Ces 45 modèles, sur le marché américain, sont pratiquement tous viables. Il reste il est vrai quelques petits créneaux, le créneau Bellanca qui correspond à l’avion « cousu main » comme en Europe qui marche très bien. Le marché pour l’ensemble de l’Europe ne représente, bon an, mal an, que 1200/1300 avions. Naturellement dans cet éventail forcément plus fermé, on produit plus d’avions de 100 ch que d’avions de 400 ch. Donc, le souci de Reims Aviation a été de choisir pour les construire les modèles commercialement valables, en nombre, pour l’Europe.

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(3) Sur l’aérodrome Reims-Prunay, Pierre Clostermann nous fait faire le tour de son C337 personnel
Pouvez-vous me préciser ce que vous entendez par commercialement valable ?

– C’est valable quand je puis vendre 50 unités par an si c’est un bimoteur, si c’est un petit monomoteur léger 150 à 200 unités, si c’est un monomoteur plus évolué 75 à 100. Dès que je suis en possession de ces éléments commerciaux nous étudions la possibilité de le construire. En général, il n’y a pas pour nous avec nos moyens techniques de problèmes technologiques avec les avions Cessna.
J’engage les frais d’outillage pour un nouveau modèle d’avion dans la mesure où je sais que dans un délai déterminé j’en vendrai 1000, 1500 ou 2000. A ce moment-là, je peux raisonnablement amortir cet outillage qui vient quand même s’ajouter au prix de revient. Je dois cependant demeurer concurrentiel avec les prix des Américains qui jouent sur de plus vastes séries.

(4) Sortie du 2000e appareil de Reims-Aviation (Air et Cosmos n°401, 1971)

Combien avez-vous vendu de Cessna 150 ?

– Pratiquement 1 000.

Combien de Cessna 172 ?

– Plus de 1 000. Toutes les prévisions que nous avions pu faire sur nos modèles se sont révélées exactes. Le Cessna 337 suit son cours tout à fait normalement. Nous fabriquons sept modèles d’avions qui couvrent ce que j’appellerai le marché de base européen. Après, nous arrivons aux modèles d’avions qui sont vendus en très petit nombre d’exemplaire t dont je ne pourrai jamais amortir les outillages (ni moi, ni personne d’ailleurs). Qu’on le veuille ou non, on ne vend en Europe que 1 000 à 1 200 avions par an. Il y en a 800 que j’appelle le marché de base qui peut se répartir entre quatre ou cinq modèles. Les quelques 200 ou 300 qui restent se répartissent, eux, entre cinquante ou soixante modèles de trois ou quatre constructeurs différents.

Il est donc très difficile de s’attaquer à ce marché. Mais que réserve l’avenir ?

– Nous envisageons d’ajouter à notre gamme un deuxième bimoteur pressurisé, car bientôt personne ne voudra voler sur un bimoteur classique, alors que le 337 pressurisé est push-pull. Mais seulement lorsque nos études sur les trois points que je vous ai précisés tout à l’heure seront terminées. Le jour où cette décision sera prise, étant donné l’ampleur des investissements, elle ne le sera que dans le cadre d’une coopération serrée avec Cessna qui peut être, éventuellement, s’abstiendrait d’importer en Europe un ou deux modèles très proches de l’avion que nous aurions choisi de façon à nous permettre des séries plus importantes.

Pouvez-vous me préciser les principaux avantages de ce genre de coopération avec Cessna ?

– Tous les problèmes se débattent dans le cadre parfait de l’intérêt mutuel des deux parties. Avec Cessna, nous avons réellement des relations amicales d’associés, bien au-delà des termes contractuels de nos accords.

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(5) Chaine d’assemblage du Cessna 172 (Reims Aviation)
Avez-vous un un plan à long terme ?

– Nous travaillons toujours sur un plan à long terme de dix ans. Ce plan relève un peu de la prospective et aussi, il faut bien le reconnaître, un peu de la boule de cristal. Ce plan de dix ans est revu tous les cinq ans. Ce plan de cinq ans est remis à jour tous les ans selon le lignes de tendance que révèle le marché et que révèlent aussi nos propres résultats dans le domaine industriel et financier. Puis, comme toujours, nous établissons des plans annuels et triennaux qui sont très classiques, dont les fourchettes sont très étroites et qui s’avèrent très proches de la réalité.

Pouvez-vous me préciser quelles seront les lignes de force qui guideront votre politique à long terme ?

– Ramener en France toutes les données industrielles essentielles de l’aviation générale, les hélices, les accessoires, les instruments, les radios en plus des cellules cela va de soi. Comme la Grande Bretagne est entrée dans le Marché commun, le problème des moteurs hors Marché commun se pose moins. Nous nous efforçons toujours de travailler en coopération aussi proche que possible avec Rolls Royce.

Quel but visez-vous ?

– L’industrie aéronautique française a toujours tenu une place prépondérante dans le domaine de l’aviation générale et il n’y a pas de raison qu’elle ne continue pas. Tout va se tenir de plus en plus. Dans la mesure où nous produisons 800 à 1 000 avions par an, le choix que nous ferons d’un poste de radio conditionnera l’existence européenne de son fabricant. Le choix que nous ferons de certains types d’instruments – nous achèterons 1 000 planches à la fois plus les rechanges, conditionnera l’existence d’un fabriquant d’instruments. Dans la mesure où cela sera possible, nous achèterons en France, pour des raisons pratiques et non pour des raisons de vieux chauvinisme ou de nationalisme. C’est cela, à mon avis, les retombées d’une industrie aéronautique de base. C’est tout cet environnement que nous ne trouvons nulle part ailleurs. Notre intérêt est de trouver des fabricants d’instruments, de radios, etc., avec lesquels nous puissions nous téléphoner, nous rencontrer trois fois par semaine, sans problème si cela se révèle nécessaire et qui acceptent de faire des prix réalistes et concurrentiels.

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(6) Planche de bord du Cessna 337
Voulez-vous que nous revenions à Reims Aviation, pouvez-vous me dire à quel pourcentage vous estimez maintenant le nombre d’heures de travail effectué à Reims sur un avion Cessna ?

– Sans entrer dans les détails, nous importons des Etats-Unis les pièces primaires, c’est-à-dire la valeur de la matière première et de moins en moins d’accessoires coûteux. Nos instruments viennent d’Italie. Nos radios seront soit allemandes, soit françaises au travers d’un accord entre Aircraft Radio Corporation et une grande firme française d’électronique. Les moteurs viennent du Marché commun ou des Etats-Unis comme ceux de tous les fabricants qui sont logés à la même enseigne. De ce fait nous arrivons à une valeur ajoutée européenne qui dépasse les 80 %.

Est-ce déjà arrivé dans l’histoire de la construction aéronautique dite légère en Europe ?

– Jamais, sauf avant la guerre où l’on produisait les moteurs, les instruments et les cellules en France. Jamais depuis la guerre, même sur les grands programmes nationaux, que ce soit « Caravelle », Airbus ou « Corvette » ou « Mystère 20 », la valeur ajoutée française n’a été aussi importante.

Vous avez plus d’un millier de bimoteurs en service, le problème de a maintenance ne se posera-t-il pas bientôt à l’échelle européenne ?

– Certes, et très vite nous aurons 3 000 ou  4 000 bimoteurs en service de fabrication Cessna ou Reims Aviation. Le problème des révisions majeures et de certaines grosses opérations absolument indispensables se posera. Comme j’espère bien, les clients danois ou italiens chercheront à faire faire la révision générale de leurs avions dans un grand centre européen de maintenance très spécialisé.

Où voyez-vous ce centre européen ?

– Je le vois à Reims. D’ailleurs en faisant l’acquisition de terrains nouveaux nous avons très largement renforcé notre potentiel immobilier. Nous avons donc la possibilité de doubler nos installations sans l’ombre d’un problème. Ce centre est prévu dans notre plan.

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(7) La sortie du Reims-Cessna push-pull C337 Super Skymaster
Comment voyez-vous la gamme d’avions produits par Reims dans les années à venir ?

– Nous sommes toujours prêts à introduire immédiatement dans le circuit un avion qui se révélerait rentable. Actuellement nous pensons que nous couvrons bien cette gamme de base dont nous avons parlé. Notre problème est d’améliorer d’année en année nos produits comme nous l’avons fait jusqu’à ce jour et maintenir un prix compétitif à ces produits, ce qui est très important pour le client. Nous visons toujours un équilibre le plus parfait possible entre le prix, le nombre de passagers et les performances. Un avion c’est un moyen de transport. Le client paye du transport.

Quel est l’évolution la plus intéressante du marché ?

– On passe de plus en plus de l’avion de sport à l’avion utilisé comme moyen de transport. Cette évolution signifie que les avions deviennent de plus en plus sophistiqués dans le domaine de l’électronique, de la radio, etc. Si l’on regarde de près l’évolution des prix des avions de la catégorie aviation générale depuis 10 ans, nous nous apercevons que l’augmentation des prix se trouve non pas dans la cellule de base, mais dans les équipements. Aujourd’hui nous vendons nos cellules de base moins cher que nous ne les vendions il y a 10 ans. Tous les accessoires que nous sommes obligés d’ajouter à la cellule que l’on appelle standard, pour que l’avion réponde aux normes actuelles, coûte fort cher.


(8) M. Dwane Wallace – Président du conseil d’administration de Cessna

Quelles sont vos prévisions de construction pour l’année 1974 ?

– Nous pensons produire environ 700 avions en 1974 en admettant qu’aucune commande supplémentaire n’arrive entre-temps. Tout me laisse croire que la prédiction faite par M. Dawne Wallace à Bruxelles de 1 000 avions pour 1976 se réalisera à peu près. Cela signifiera d’ailleurs que Reims Aviation aura un pourcentage tel du marché européen de base que nous arriverons par la force des choses à plafonner.

Quelles conclusions en tirez-vous ?

– Je ferais plutôt un vœu : 90 ou 95 % de ce marché européen de base devrait se retrouver entre des mains françaises, c’est-à-dire à Reims pour les créneaux industriels, et entre les mains de Pierre Robin pour le créneau « haute couture » ou « cousu main »…

Où en sont les négociations dont vous m’aviez parlé lors d’une précédente interview avec différents constructeurs européens notamment avec l’Allemagne, l’Italie, la Grande-Bretagne ?

– L’évolution est la suivante : la plupart des constructeurs européens qui avaient des projets dans leurs cartons, quand ils ont vu que leurs gouvernements se refusaient à les subventionner à fonds perdus, sont venus nous les proposer. Quelques-uns étaient d’ailleurs des projets intelligents. Nous les avons étudié. Mais dans la pratique de nos ventes, nous avons remarqué que le client, en général, sauf s’il avait des goûts et des idées bien définis sortant de l’ordinaire préférait acheter un produit de grande série pour des raisons de maintenance, de facilité d’entretien, que de s’offrir l’avion de superluxe ou de superperformance, trop individualisé.

Autrement dit les Français et même les Européens préfèrent la « DS » à la Ferrari ?

– C’est vrai. Nous préférons donc nous orienter vers une autre forme de coopération comme celle que nous avons établi avec la Grande-Bretagne, par exemple autour de l’  « Aerobat » 130 ch que d’acheter une licence de production.

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(9) Inspection du kit Robertson STOL sur le C337 avec James Raisbeck – président de la Robertson Aircraft Corporation
Pouvez-vous me préciser cette forme de coopération avec la Grande-Bretagne autour de l’ »Aerobat » ?

– Elle est simple. C’est un moteur purement anglais qui équipe cet appareil. Nous avons fait l’étude en commun, renfort de la cellule, etc. Cela a présenté aussi l’avantage de mettre en relation les gens du SGAC avec l’organisme de certification britannique. Ces deux organismes officiels ont travaillé en parfaite harmonie. Ils se sont partagé les tâches. Cela a donné un premier résultat très intéressant, non seulement pour nous mais pour les deux parties.


(10) Fiche technique du Cessna F150 Reims-Club

Où en sont vos projets de coopération avec les constructeurs français autour d’un avion léger ?

– Reims aviation est un peu tombé dans le rêve de tout le monde depuis 10 ans ou même depuis 20 ans. Le rêve consistant à vouloir refaire un Cessna 150. Puis on s’aperçoit que le 150 existe et en tenant compte de tous les paramètres on ne peut pas faire mieux.
On essaye, on regarde, quelque soit le point sur lequel on tire, sur la puissance, sur le poids de la machine, on constate, avec les prix auquel on arrive, que finalement, au bout du compte, on réinvente le 150 en plus cher.

À vos yeux donc, le Cessna 150 est encore aujourd’hui imbattable ?

– En tenant compte de tous ces éléments, il est imbattable à nos yeux, c’est vrai.

Où en sont vos projets de coopération avec un constructeur français ou européen autour d’un avion plus important ?

– En ce qui concerne un avion « Commuter » le problème ne se pose pas pour nous, car si nous avions un projet autour d’un « Commuter » il se réaliserai entre Cessna et une grande firme française et non pas à l’échelon de Reims aviation. Reims ne pourrait s’y intéresser que dans le domaine de la sous-traitance. C’est évident. Dans le domaine monomoteur on s’aperçoit que les créneaux sont complètement bouchés. À un moment donné, nous avions pensé collaborer ou nous intéresser à un avion monomoteur genre « voiture de grand sport » 250/300 ch, 4/5 places. C’est fini, il n’y a plus de marché pour ce genre d’avion.

Voulez-vous dire que lorsque le client peut payer un avion 25 millions, il préfère porter son choix sur un bimoteur d’occasion, puis passer ensuite à un bimoteur neuf ?

– Certainement. Le monomoteur surpuissant, étant donné son prix et les problèmes qu’ils pose ne peut être qu’un avion « cousu main ». On n’en vend 15 ou 20 de cette catégorie, par an, en Europe. De plus ils doivent se répartir dans un créneau déjà encombré par Beechcraft, Piper, et d’autres encore. Ce marché de m’intéresse pas. Si l’État veut en financer un pour s’amuser ça la regarde…

Envisagez-vous de renforcer votre bureau d’études à Reims ?

– Le bureau d’études de Reims se renforce de jour en jour. De plus, nous avons en France des bureaux d’études de très grande valeur qui manquent de plan de charge, alors pourquoi ne pas les faire travailler plutôt que de créer des bureaux d’études concurrents. Sur le plan de l’économie nationale, c’est plus raisonnable.

À quelle place situez-vous Reims Aviation dans le concert européen, et quel sera son avenir ?

– Reims Aviation et de très loin le plus grand constructeur d’avions légers en Europe. Dans un an ou deux, par le jeu des lois de l’économie, elle sera le seul producteur vraiment industriel d’avions légers.

Lors de la précédente interview accordée à notre revue, vous nous aviez parlé d’une coopération est-ouest. Où en êtes-vous aujourd’hui ?

– Nous étions déjà très avancé dans nos contacts avec l’usine Morovan à Otrovice en Tchécoslovaquie. Les événements de Tchécoslovaquie, et non pas de notre fait, n’ont pas permis de continuer ces relations et de mener à bien nos projets.


(11) Les installations de l’usine Reims-Cessna sur l’aérodrome de Prunay (Reims)

Pouvez-vous me parler du nouveau réseau Cessna ?

– Nous avons voulu mettre en place le réseau de deuxième plan quinquennal. Il doit couvrir l’ensemble de ce qu’est notre marché, à nous Reims Aviation, mais toujours dans l’optique de l’organisation Cessna, notre but est de donner aux dealers, c’est-à-dire au points de vente, l’éventail le plus complet de produits. Ce produit nous le leur fournissons à la demande et ils ont ainsi le choix, pour leurs clients, de l’ensemble de la gamme Cessna. Il y avait un trou dans notre réseau commercial : la France. La première raison était cette espèce de « gentleman agreement » que nous avions fait en 1962 avec le gouvernement français, dans lequel nous avions dit : nous avons l’intention de nous installer, de travailler, de mettre en place un réseau important européen, de produire beaucoup d’avion mais nous ne nous attacherons pas, dans l’immédiat, au marché français. Seulement dans 10 ans. C’est-à-dire en 1972.

N’est-il pas beaucoup plus difficile de se mettre en place sur les marchés de l’exportation que dans son propre pays ?

– Bien sûr. C’est pourquoi nous avons attaqué directement les marchés d’exportation. Une fois mis en place ce marché d’exportation, 10 années était écoulées, et les conditions et les réalités économiques ayant conduit à la disparition d’un certain nombre de petits constructeurs français dont on ne peut nous accuser d’avoir précipité la disparition, nous avons décidé d’entreprendre le marché français.

Dans le domaine du réseau commercial nous pensions, et c’était une erreur de notre part, étant donné les habitudes, les méthodes de vente en France, il fallait créer un qu’il a réseau particulier pour des besoins particuliers et nous insérer dans le cadre des habitudes en France. Au bout de trois mois, nous nous sommes aperçus que finalement, contrairement à tout ce que l’on avait pu nous dire, on pouvait appliquer en France les méthodes de marketing que la Cessna avait mis au point et qui lui ont donné une position privilégiée sur le marché mondial, ainsi que le maximum de satisfaction au client.

Ce réseau existe depuis un peu plus de six mois. Quelles sont les premiers résultats enregistrés ?

– Nous avons mis en place une quinzaine de points de vente structurés importants. En six mois nous avons vendu plus d’avions en France que nous n’en vendions avant en cinquante ou soixante mois.

Quel pourcentage du marché français entendez-vous prendre ?

– 50 % du marché français au minimum.


« Nous sommes fiers de notre association avec Reims Aviation »

« A aucun moment Cessna n’a exprimé l’intention de reprendre la fonction de vente au détail à Reims Aviation, plus gros constructeur en dehors des Etats-Unis et qui fait la force de la Cessna Aircraft Company »

Gerry Van Os, directeur de la Cessna Brussels Zone


Peut-on conclure en disant que la philosophie de Reims Aviation était la bonne : d’abord structurer la société, l’équiper et lui donner les moyens matériels de construire en grande série ?

– Ce n’est pas moi qui vous contredirai sur ce point. Mais cela se révélera encore bien plus vrai lorsque nous attaquerons la construction rentable de gros bimoteurs d’affaires. La preuve sera ainsi faite que nous sommes les seuls à pouvoir le faire en Europe sans subventions d’État et appel au contribuables.

Une industrie française d’avions légers restructurée autour de Reims Aviation et des Avions Robin par exemple, ne laisserait aucune possibilité d’existence à une autre unité industrielle en Europe, d’origine américaine ou non, car les moyens, les budgets ou les subventions d’État à mettre en œuvre serait déraisonnables par rapport à l’enjeu économique.

Une fois les marchés naturels, c’est-à-dire ceux dans lesquels les avions légers peuvent être livré en vol – sans handicap de mises en caisses et de transport – conquis est assurés, Reims Aviation est décidée à attaquer les marchés du Pacifique et de l’Amérique du Sud.

Il n’est pas déraisonnable de penser que 30 % du marché de base annuel Asie–Pacifique (75 avions) et 25 % du marché Amérique du Sud (110 avions) soit accessibles à Reims Aviation avant 1980 si les séries européennes permettent de « tomber les prix ».

L’amortissement des outillages pour un petit bimoteur (coût 5 millions) sur 1 000 avions en dix ans au lieu de 250 permet à lui seul, sans même compter la dégressivité, de compenser les frais de livraison lointaine en vol, soit environ 4000 dollars.

Cela démontre évidemment l’intérêt de ne pas diviser le marché européen.

Les mesures d’assainissement de cette industrie étant décidées rapidement par les pouvoirs publics, dans moins de cinq ans la France disposera du seul ensemble industriel d’aviation générale spécialisée cohérent et prospère au monde, en dehors des USA.

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(12) Le premier avion construit par Pierre Clostermann était équipé d’un moteur Franklin, six cylindres, il vole au Brésil en 1939 pour le « Correio da Manha« .

Propos recueillis par Lucienne Biancotto pour Aviation Magazine (n°608, 15 avril 1973) – Illustrations par R. Demeulle et J-Y Marin.